Depuis officiellement le 30 juin, Paulo Dybala n’est plus un joueur de la Juve. Après sept saisons passées dans le Piémont, la Joya ne prolongera pas son aventure avec les Bianconeri. Si l’attaquant argentin est rapidement devenu l’idole des tifosi de la Vieille Dame, sa fin d’aventure turinoise laisse planer un goût d’inachevé entre blessures, prestations en dents de scie et incapacité à prendre ses responsabilités. Il est donc l’heure de dresser le bilan (calmement) de Dybala à la Juve.
17 mai 2015. Alors que Palerme vient de s’imposer 1-0 sur la pelouse de Cagliari, l’entraîneur palermitain Giuseppe Iachini annonce officiellement que le jeune Dybala va quitter la Sicile à l’issue de la saison. L’attaquant argentin, devenu l’idole de Renzo Barbera, rallie le nord de l’Italie après trois ans de bons et loyaux services en terre palermitaine. Sa dernière saison en Sicile (2014-2015) sera celle de l’explosion. Aux côtés de Vasquez son compatriote argentin, il conclura l’exercice avec 13 buts en 34 matchs. Une fabuleuse saison qui a conquis les dirigeants Bianconeri et débourseront alors près de 41 millions d’euros. Même si l’emblématique président palermitain, Maurizio Zamparini, déclarait que pour acheter son poulain argentin « seul un Arabe le pourrait, un homme qui extrait un milliards d’euros par jour avec le pétrole ». Mais c’est bien finalement Andrea Agnelli qui parviendra à s’en attacher les services.
Dybala rejoint alors une Juve qui survole le championnat italien. Sous les ordres de Massimiliano Allegri, les Turinois viennent de remporter le Scudetto (2014-2015), le troisième consécutif. De plus, la Vieille Dame se montre de plus en plus performante sur la scène européenne. Finaliste malheureuse de la Ligue des Champions (défaite 3-1 contre le FC Barcelone), la Juve nourrit de grandes ambitions dans la compétition.
Nouveau prince du Piémont
Presse, tifosi, passionnés de ballon rond, tout le monde attend avec impatience les débuts du jeune Paulo sous la tunique noir et blanc. Mais très vite, « La Joya » (en VF « le bijou ») répond aux exigences et s’installe dans le onze Turinois. Aux côtés des Marchisio, Pogba, Vidal ou encore Mandzukic, Paulo Dybala excelle. C’est justement avec l’attaquant croate que le natif de Laguna Larga forme le duo d’attaque de la Vieille Dame. Période d’adaptation ? Dybala ne connait pas.
Numéro 21 dans le dos, il devient très rapidement le « chouchou » des tifosi bianconeri. De plus, son niveau face au top adversaire ne faiblit pas, au contraire. Dans les grands rendez-vous, l’ancien palermitain dévoile des prestations XXL comme face à la Lazio en 2016, Tottenham en 2018, l’Inter en 2017 ou encore face au Barca en 2017. C’est justement contre les Catalans que Paulo Dybala va très certainement réaliser sa prestation la plus mémorable avec les Turinois. En quart de finale de Ligue des Champions, la Juve s’imposera 3-0 avec un doublé de la Joya. Le lendemain de ce fabuleux succès, le quotidien Tuttosport affichera à la une de son journal « Messi qui ? Le Martien est Dybala ».
Juste techniquement, grosse vision de jeu et redoutable finisseur que ce soit dans la surface et en dehors, Paulo Dybala est l’homme à tout faire de cette Juve, l’élément clé, le chef d’orchestre. Dès qu’il est absent, la Vieille Dame se retrouve quelque peu orpheline de son génie argentin. Durant les trois premières saisons, La Joya est utilisée comme un faux neuf par Allegri. Une position dans laquelle il est le plus à l’aise. Le numéro 10 Bianconero est alors un électron libre. Il peut décrocher et participer à la construction du jeu, tout en pouvant créer des décalages par ses appels dans la surface adverse. Très mobile, l’ancien Palermitain dynamise le jeu de son équipe et se montre percutant sur chaque prise de balle. C’est simple, en trois saisons (2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018), Paulo Dybala a inscrit 68 buts en 150 matchs joués. L’international argentin est devenu le véritable patron de la Juve. Mais qu’est-ce qui pourrait l’arrêter ?
L’été 2018, moment charnière
En juillet 2018, alors que la Coupe du Monde vient tout juste de se conclure par le succès des Bleus, une bombe s’abat sur le monde du football. Cristiano Ronaldo quitte le Real Madrid et rejoint la Juve pour un montant avoisinant les 100 millions d’euros. Avec l’arrivée de la star portugaise, l’objectif affiché par les dirigeants Bianconeri est clair : soulever la coupe aux grandes oreilles. Une compétition que vient tout juste de remporter, avec le Real Madrid (pour la cinquième fois de sa carrière), le plus célèbre des numéros 7. Naturellement, Cristiano Ronaldo devient le patron de cette Vieille Dame. Le jeu tourne désormais autour de lui, Massimiliano Allegri change même de dispositif et préconise le 4-3-3. Paulo Dybala se retrouve ainsi dans le couloir droit turinois.
L’arrivée de Ronaldo à la Juve va freiner la progression et l’élan de confiance de la Joya. Lui qui excelle lorsqu’il dispose des clés du jeu doit désormais se mettre au service du ballon d’or portugais. De nouvelles exigences tactiques que la Joya ne parvient pas à assimiler. Son rendement sur le terrain est en forte baisse en comparaison à la saison précédente: moins de tirs/matchs (de 4,1en 2017-2018 à 2,2 en 2018-2019), moins de dribbles réussis par matchs (une moyenne qui passe de 2,8 à 1,2) ou encore beaucoup moins de fautes subies (de 3,5 par matchs à 2,2). Des chiffres qui révèlent de la perte d’influence de Dybala dans le jeu turinois au détriment de Ronaldo.

La venue de CR7 dans le Piémont a brutalement bousculé les principes de jeu de la Vieille Dame. C’est ce qu’explique Gianluigi Buffon au Corriere della Serra: « Avec l’arrivée de Ronaldo, un certain ADN s’est perdu. Ce n’est pas la faute de Cristiano parce que lorsque l’on prend un joueur de ce calibre, on sait à quoi s’attendre (…) il faut savoir si les autres joueurs sont prêts et ils ne l’étaient pas tous ». Paulo Dybala conclura la saison 2018-2019 avec seulement 10 réalisations pour deux petites passes décisives. Un manque de confiance de l’Argentin qui importera directement la Juve. Si la bande à Bonucci parvient tout de même à remporter une nouvelle fois le Scudetto, elle se fera piteusement éliminée en 1/4 de finale de Ligue des Champions face à l’Ajax Amsterdam.
Blessures et manque de maturité
Au-delà de l’arrivée de Cristiano Ronaldo, un autre problème va venir freiner l’ascension de Paulo Dybala, à savoir les blessures. C’est simple, depuis deux ans, l’international Argentin a manqué près de 42% des matchs pour cause de blessures. Lors de l’exercice 2020-2021, le numéro 10 turinois n’a disputé que 26 matchs, dont seulement 16 en tant que titulaire. Difficile de lui en vouloir donc. Si beaucoup se montrent critiques à son égard, il faut comprendre que depuis deux saisons, Dybala n’est jamais totalement à 100% avec des blessures récurrentes et une incapacité à retrouver son niveau post-CR7. En quelques mois, La Joya est devenue l’ombre d’elle-même. L’international Argentin n’est même plus considéré comme le patron de cette équipe. Frederico Chiesa, Manuel Locatelli ou encore Dusan Vlahovic, c’est avec eux que la Juve souhaite bâtir son futur.
L’arrivée de Ronaldo ainsi que les blessures viennent expliquer la descente aux enfers de Paulo Dybala. Mais l’attaquant argentin a aussi une grande part de responsabilité dans sa répression. En effet, il n’est jamais parvenu à franchir ce fameux cap notamment au niveau mental. Un joueur trop émotif, trop puéril pour certains. Même son (ancien) entraîneur Massimiliano Allegri lui de n’être pas parvenu à prendre ses responsabilités. Lors d’un entretien accordé à Dazn, le tacticien italien, explique qu’il « a été trop patient à un certain moment avec lui » avant d’ajouter « Dybala doit redevenir lui-même et se remettre en question sur certains points. Il y a eu un moment où il s’est laissé emporter par l’idée d’être le nouveau Messi ».
En octobre dernier, l’entourage de Paulo Dybala et les dirigeants turinois se rencontrent au sujet de l’éventuelle prolongation de l’ancien palermitain. Ces derniers mettent sur la table un contrat avec un salaire annuel de 6 millions d’euros avec bonus. L’entourage de Dybala n’est pas convaincu par cette proposition et la refuse. Les relations entre les deux parties vont se froisser, les négociations n’aboutiront pas. La Joya n’est plus considérée comme un élément indiscutable de l’effectif turinois et se retrouve contraint de quitter le navire.
En larmes lors de sa dernière avec la tunique bianconera, le gamin de Laguna Larga aura marqué son empreinte dans le Piémont. Un joueur fuoriclasse capable de porter cette Juve sur ses épaules, de sortir des prestations XXL et de devenir le chouchou de l’Allianz Stadium. Mais les blessures, l’arrivée de Ronaldo et le manque de maturité lui auront mis des bâtons dans les roues. Le septennat de Dybala à la Juve laisse un goût d’inachevé.