Cela faisait un moment que la Fiorentina ne s’était pas montrée autant séduisante et performante. Une réussite en grande partie due à Vincenzo Italiano. Arrivé en Toscane l’été dernier, le tacticien de 44 ans est parvenu à ramener la Viola en Europe. En plus de résultats positifs, Italiano a imposé sa philosophie de jeu offensive au sein d’un club en panne d’ambitions depuis quelques saisons.
Juin 2019. Après plus d’une quinzaine d’années sous la direction de la famille Della Valle, la Fiorentina change de propriétaire. Mis en vente officiellement quelques mois auparavant par Andrea Della Valle, c’est un certain Rocco Commisso qui rachète le club florentin. Dès sa prise de fonction, l’homme d’affaires italo-américain va mettre la barre haute: « Soyez rassurés supporters de la Viola, nous retrouverons la Ligue des Champions dans très peu de temps ». Le décor est planté.
Mais la genèse de ce nouveau projet florentin est décevante, et ce, malgré un effectif digne d’une top équipe de Serie A (Chiesa, Veretout, Milenkovic, Vlahovic, Badelj, ou encore Pulgar). Un échec sportif cuisant qui va refroidir les attentes des tifosi de la Viola. Lors de l’exercice 2019-2020, sous les ordres de Vincenzo Montella puis de Giuseppe Iachini, la Fiorentina terminera 10ème de Serie A. Pire la saison suivante, le club toscan va chuter au classement en terminant à la 13ème place. Ajoutez à cela deux changements d’entraîneurs en l’espace de six mois : Giuseppe Iachini débute la saison puis sera remplacé par Cesare Prandelli en novembre 2020. Mais seulement six mois plus tard, les dirigeants florentins décident de se séparer de l’ancien sélectionneur de la Squadra Azzurra. Et c’est de nouveau Giuseppe Iachini qui reprend les rênes de cette Fiorentina. Une saison chaotique, la Viola assure son maintien seulement à quelques journées de la fin (les Toscans n’avaient que trois longueurs d’avance sur la zone rouge à la 33ème journée). Mais comme le dit le proverbe, après la pluie vient le beau temps.
Coup judicieux des dirigeants florentins
À moins de 160 kilomètres au nord de Florence, un certain Vincenzo Italiano est en train d’écrire une belle et merveilleuse page du football italien. Ancien joueur modeste de Serie A, mais véritable passionné de ballon rond, il a tout de suite décidé d’enfiler le costume d’entraîneur à la fin de sa carrière de joueur. Comme beaucoup, il débute dans les échelons inférieurs: en Serie D en 2016 avec Vigontina puis à Arzigiano (avec qui il obtient une promotion en Serie C). C’est ensuite lors de la saison 2018-2019 que Vincenzo Italiano va se faire un petit nom entre le monde pro et semi-pro italien. Avec Trapani Calcio, il parvient à obtenir une improbable promotion en Serie B.
À l’été 2019, Vincenzo Italiano prend la direction de la Ligurie et s’installe sur le banc de Spezia Calcio. Première saison à la tête de Spezia (et en parallèle ses débuts en Serie B) et une montée en Serie A, la première dans l’histoire du club. Après une finale de play-off face à Frosinone qui se conclut par un match nul (1-0 au match aller et 0-1 au retour), les Aquilotti sont promus grâce à un meilleur goal-average sur la saison régulière.

Pour leur baptême de feu dans l’élite italienne, Spezia et Italiano vont obtenir une honorable 15ème place synonyme de maintien avec 39 points. Au-delà de ce maintien, c’est surtout le football offensif et sans complexes proposés par les promus qui va séduire les suiveurs de Serie A. Vincenzo Italiano impose son style et va rapidement taper dans l’œil des grandes écuries italiennes. Et ce sera finalement la Fiorentina qui aura le dernier mot. Daniele Pradè, le directeur sportif florentin, voit en Vincenzo Italiano le bâtisseur du renouveau florentin. L’ancien entraîneur de Trapani paraphe alors un contrat de deux saisons jusqu’en juin 2023.
Football plaisir
Concrètement, que prône comme football Vincenzo Italiano ? Un football offensif certes, mais de quelle manière ? Fidèle à son 4-3-3, le tacticien italien cherche systématiquement à ce que son équipe ait la possession, mais surtout la maîtrise technique. Cette saison, la Fiorentina a développé un football de possession, en multipliant les attaques placées. Avec une moyenne de possession de 58% cette saison (deuxième plus haut total en Serie A derrière le Napoli), les Florentins multipliaient les longues séquences de possession, faisant reculer le bloc adverse.
Un style de jeu rendu possible grâce à un milieu complémentaire, le véritable point fort de cette équipe cette saison. Que ce soit avec Torreira, Saponara, Castrovilli, Amrabat ou encore Duncan, Vincenzo Italiano avait à sa disposition des profils avec des qualités différentes, mais qui se sont tous acclimatés aux exigences du tacticien italien. Mais surtout, ce milieu a démontré une impressionnante force au niveau tactique. Un trio complémentaire permettant à cette Fiorentina d’avoir la maîtrise des événements et d’assurer aussi bien sur le plan défensif qu’offensif. Exemple le plus marquant, la victoire obtenue sur la pelouse de la Roma (2-0). Un match maîtrisé du début à la fin par la Fiorentina, en grande partie grâce au travail de son trio au milieu Bonaventura, Duncan, Amrabat qui a dominé les débats que ce soit techniquement et tactiquement.
On l’a bien compris donc, Vincenzo Italiano accorde une importance capitale à son trio dans l’entre-jeu aussi bien sur l’aspect offensif que défensif. C’est justement un autre point sur lequel la Fiorentina a énormément progressé cette saison, le bloc équipe. Sur le terrain, les joueurs florentins dégagent une forte maîtrise tactique avec un bloc compact qui défend en avançant. Tactiquement, cette Fiorentina de Vincenzo Italiano a certainement été l’une des meilleures équipes de Serie A. Une philosophie de jeu qui a séduit l’ensemble du groupe dont Sofyan Amrabat: « Le coach demande très souvent un pressing haut et énormément d’intensité. Certes, c’est compliqué au début d’être toujours à 100% aussi bien phase offensive que défensive, mais ça paye. Je pense vraiment que c’est toujours une grosse épreuve tactique pour un adversaire de nous affronter ».
Mais forcément, quelques points négatifs subsistent et c’est tout à fait logique. En premier lieu, une équipe trop offensive qui s’expose souvent à des contre-attaques. Dominatrice et en place tactiquement, la Viola s’est souvent fait surprendre par des équipes capables de défendre en bloc bas et de procéder en transition rapide. Mais c’est surtout son manque de réussite dans le dernier geste qui a véritablement posé problème à la Viola cette saison. Une carence qui s’explique par le départ de Dusan Vlahovic lors du mercato hivernal. Certes les Florentins gagnent plus sans l’attaquant serbe (moyenne de PPM à 1,92 sans lui contre 1,63 avec lui) mais la différence de buts inscrits avec et sans l’attaquant serbe est immense : la Fiorentina a inscrit 41 buts avec Vlahovic en Serie A, contre seulement 18 sans le désormais nouvel attaquant de la Juve. Un défaut justement pointé du doigt par Vincenzo Italiano : “Nous devons tous toujours nous améliorer, mettre la barre plus haut. À l’avenir, nous devrons être beaucoup plus exigeants, car cette année, nous avons gâché beaucoup d’occasions”.
En enlevant Dusan Vlahovic, le meilleur buteur de cette formation toscan est Nicolàs Gonzalez avec 8 réalisations. Des statistiques honorables pour un ailier qui découvrait le championnat italien et qui s’est imposé comme l’atout offensif majeur de cette Fiorentina. Mais c’est surtout la succession poste pour poste de Vlahovic qui s’est montrée décevante. Tous les deux arrivés cet hiver, Krzysztof Piatek et Arthur Cabral n’ont inscrit respectivement que six et deux réalisations. Dans son émission Bobo TV, l’ancien attaquant italien Christian Vieri a même expliqué que « si Vlahovic était resté à Florence jusqu’à la fin de saison, les Florentins seraient en Ligue des Champions ».
Le retour des soirées européennes à l’Artemio Franchi
Après le succès obtenu sur la pelouse de la Roma (2-0), près de 400 tifosi florentins attendaient l’équipe à l’aéroport. Terminant cette saison 7ème avec 62 points (20 points de plus en comparaison avec la saison dernière), la Fiorentina s’est qualifiée pour la Conference League. Longtemps, la bande à Italiano est parvenue à tenir tête aux clubs romains avant de finalement lâcher dans le sprint final avec une série de quatre défaites en cinq matchs lors des dernières journées. Mais cette 7ème place est plus qu’encourageante pour la Fiorentina qui va donc retrouver l’Europe, six ans après sa dernière participation continentale.
Une équipe qui s’est montrée ambitieuse tout au long de la saison et qui a montré qu’elle pouvait rivaliser avec les grandes écuries italiennes comme en témoignent les victoires face au Milan (4-3), le Napoli (3-2), la Roma (2-0) ou encore la Juve (2-0) lors de la dernière journée. Un précieux succès à Artemio Franchi permettant aux hommes d’Italiano de conforter cette place européenne. Luttant pour le maintien la saison passée, la Fiorentina est revenue sur le devant de la scène.
Lundi dernier, les dirigeants florentins et Vincenzo Italiano se sont rencontrés au centre d’entraînement Davide Astori pour parler de l’avenir, de la saison à venir, du mercato, des ambitions et des prolongations. Après cette belle saison, de nombreux joueurs ont tapé dans l’œil à commencer par Nikola Milenkovic. Véritable patron de la défense toscane depuis plusieurs saisons, le défenseur serbe est en fin de contrat en 2023 et les négociations tardent à se conclure pour une éventuelle prolongation. Autre dossier à traiter celui de Lucas Torreira. Prêté par Arsenal, le milieu uruguayen est parvenu à se relancer en Toscane et la Fiorentina aimerait bien lever l’option d’achat fixée à 18 millions d’euros. Difficile à savoir si cette Fiorentina sera capable de garder ses meilleurs éléments et d’opérer à un mercato intelligent pour renforcer des secteurs plus faibles.
Une chose est sure, Vincenzo Italiano et la Fiorentina vivent un véritable conte de fées depuis l’été dernier. En Toscane, le tacticien de 44 ans nourrit de grandes ambitions et a prouvé cette saison qu’il était possible de prôner un football offensif tout en obtenant de très bons résultats. Reste à savoir si la saison prochaine, les Florentins peuvent aller chercher plus haut, autrement dit une place en Champions comme l’avait promis Rocco Commisso. En-tout-cas, tous les ingrédients sont là : un effectif de qualité, un tacticien ambitieux et surtout une ferveur importante.